Un monde meilleur

Disclaimer : J’avais l’intention d’écrire cet article depuis longtemps mais les récents événements au sein de la rédaction de Charlie Hebdo, et les réactions qui ont suivi m’ont décidée. Je ne fais l’apologie de rien, ni ne condamne personne dans ce texte, je transcris un ressenti profond et horrifiant qui m’habite depuis des années, et qui ne fait qu’empirer, vis-à-vis de mon pays, de la société qui l’occupe, des religions, et du monde en général.

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J’ai grandi dans la tolérance et le respect. Née d’une mère exilée politique chilienne, et d’un père français (aux origines italiennes et slovaques), on m’a inculqué des valeurs qui transcendent les frontières et reposent uniquement sur l’humain. Que mon voisin vienne de Chine, du Maroc ou du Canada, il n’en restait pas moins mon voisin, un autre être humain fait de chair et d’os, avec ses idées, ses valeurs, son droit d’exister tout autant que le mien ou celui de mes proches.

Pendant la majeure partie de ma vie, j’ai vécu en banlieue, en HLM, fréquentant des familles de toutes origines, allant à l’école avec des camarades de tout milieu, et jusqu’à mon adolescence, je n’ai jamais fait de différence entre moi et ce gamin pakistanais débarqué au milieu de mon année de CP, sans parler un mot de français. Après tout, ma mère avait vécu la même chose, débarquée à l’âge de 7 ans dans un pays dont elle ne parlait pas la langue, traînée avec ses frères et sœurs par deux parents partis précipitamment (et sans un sou) d’un pays en guerre civile. Avez-vous entendu parler de Pinochet ? Ma grand-mère a pleuré quand il est mort, ma mère a sabré le champagne. J’avais entendu mille fois la description des bombes et des explosions qu’elle entendait derrière les murs de sa chambre d’enfant, là-bas, à Santiago. Cette histoire de mon grand-père emprisonné et torturé pour avoir soutenu le socialisme. Je me souviens, il y a très longtemps, l’avoir surpris en train de gratter les lettres du panneau d’un square. Le square « Salvatore Aliende ».
« Ils ont fait des fautes » m’avait-il dit. A l’époque, je n’avais pas compris pourquoi une telle dédication pour un pauvre petit panneau.

De ces récits et souvenirs, j’en avais tiré peu de choses, si ce n’est un dégoût profond et une incompréhension totale des concepts de haine et de conflit. Pourquoi faire du mal au gens, quand ça les rend si tristes et impuissants, quand le traumatisme remonte parfois et détruit ceux qui tentent de le cacher. L’idée même du racisme était totalement absente de ma connaissance du monde. Mes copains d’école s’appelaient Yacine,  Abuabéré, Sarah, Meriem ; mon amoureux de CM2 s’appelait Chouaïb. Il était drôle et gentil, il m’envoyait de superbes cartes postales, il aimait bien quand je chantais. Jamais, ô grand jamais, je ne l’ai vu comme un « arabe », encore moins comme un « musulman ». Je savais qu’il prenait toujours « sans porc » à la cantine, et grand bien lui fasse, le rôti de porc j’ai toujours détesté ça.

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Mes deux parents étaient athées. Mon père avait une dent inexplicable contre les catholiques (ironie du sort, la légende dit qu’il voulait devenir pasteur quand il était petit), et il a fulminé quand ma mère lui a annoncé que j’allais intégrer un collège privé catho, à Paris, loin des tracas et des « dangers » de la banlieue. Dans le beau et propre 17ème arrondissement, j’ai vu très vite que quelque chose ne collait pas. Ici pas de Myriam, Pedro et Djibril, plutôt du Marie, Louise, François-Ferdinand et Théophile. De tout le collège, il y avait une noire, et un « métisse » qui a fini par changer d’école. Je savais bien que le racisme n’était pas la question ici, mais plutôt un problème de milieux favorisés ou non. Ma mère s’étranglait chaque mois à économiser pour payer les 3000 et quelques euros annuels que lui coûtait mon inscription, sans compter les dépenses supplémentaires, mes repas à 7 euros à la cantine (quand autrefois elle payait à peine 1 euro par repas par jour à la Caisse des Ecoles) et autres sorties scolaires payantes. De l’autre côté, mes camarades se vantaient de faire du shopping avec 500 euros en poche, de passer leurs vacances à Courchevel ou à Saint Trop’. Moi, j’allais chez Kiabi ou au marché de Choisy pour faire les soldes, j’allais pas au resto, je passais mes vacances à la maison où chez mes grands-parents. Je n’étais pas triste pour autant, et à vrai dire je les méprisais plus que je ne m’en voulais d’être « pauvre ». Une de mes copines m’avait dit en rigolant qu’elle avait fait sa profession de foi pour les cadeaux. Elle a eu une montre et un sac Chanel et elle était très satisfaite. Soit.

En dépit du mépris toujours plus fort que j’éprouvais face à l’étalage de richesse de mes camarades, mon expérience en école catholique a été plus que bénéfique. Souvenez-vous, mon père détestait l’Eglise, la messe, ces enfoirés de cathos et leurs dogmes stupides. Le dimanche matin, c’est fait pour la grasse matinée pardi ! Dieu est mort ! Il s’était outré quand je lui avais raconté qu’à mon tout premier cours de 6ème, la prof de math avait commencé par un « Je vous salue Marie ». J’avais été extrêmement mal à l’aise, pas par mépris pour ces gens qui croyaient en un Dieu qui ne me concernait pas, mais parce que j’étais la seule qui ne connaissait pas la prière et qui ne disait rien. Pour m’apaiser, ma mère m’a imprimé un petit livret de prières basiques, elle m’a expliqué comment faire un signe de croix, elle m’a surtout dit que je n’étais pas obligée de le faire pour vouloir « rentrer dans le moule ». Quand bien même, je récitais mes prières et je faisais mon signe de croix comme tout le monde. Pas vraiment par mimétisme, mais parce que je trouvais ça plus respectueux que de rester assise sans rien faire, ostensiblement. Quand Jean-Paul II est mort, on nous a réunis pour prier dans le gymnase. J’ai chanté. Il y avait des gens émus, d’autres ricanaient grassement parce que « la messe c’est trop chiant ». C’était chiant mais je chantais quand même. C’était le respect qu’on m’avait appris.

Etre une élève athée en école catholique, contrairement à ce que certains peuvent croire, ce n’est pas réciter des prières à longueur de journée (à vrai dire il n’y avait que ma prof de math de 6ème qui récitait la prière en début de cours), ni se voir proposer constamment d’être baptisé, ni être vue comme un paria. J’avais des cours normaux, je mangeais des repas normaux (inévitablement, poisson le vendredi), mes amis étaient normaux. C’est une bonne soeur qui nous faisait les cours d’éducation sexuelle et il n’y a jamais eu un seul tabou ou un quelconque gêne pendant ses cours. J’avais un cours de catéchisme par semaine, et on allait à la messe pour les jours spéciaux. Certains cours de caté étaient ennuyeux à mourir, d’autres profondément intéressant. On nous a demandé de questionner verset après verset les premiers chapitres de la Genèse, on étudiait les évangiles, on débattait aussi, parfois. Pour moi et mon insatiable curiosité, c’était le paradis, sans mauvais jeu de mot. Je comprenais un peu mieux pourquoi ma mère aimait tant visiter les églises et cathédrales, comment la religion avait influencé l’art et la société, quel était l’intérêt de « connaître » une religion avant de jurer qu’on ne se l’appropriera jamais. De mon plein gré, j’ai lu la Bible. De tous mes camarades, je suis la seule à l’avoir fait. J’en suis toujours très fière.

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Si je n’ai pas immédiatement et définitivement rejeté l’idée de traîner avec des « cathos », c’est aussi parce que le respect des religions a toujours eu une place primordiale dans ma famille. Et pour cause, ma mère était professeur à la Sorbonne ; de petite immigrée chilienne, elle a appris le français, s’est passionnée pour l’Histoire, a fait de longues études, a atterri à Paris, et a longtemps bossé sur une énorme thèse de près de 2000 pages. Contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, sa thèse et son travail universitaire ne portait en rien sur le Chili (à vrai dire ma mère avait coupé les ponts avec toute forme de communautarisme), mais sur les relations entre la France et le monde musulman à l’ère contemporaine. De fait, elle avait une connaissance impressionnante de l’histoire de l’Islam et du monde arabe en général. Elle avait une bibliothèque gigantesque remplie de bouquins allant de la vie de Charles de Gaulle à l’étude de l’architecture des mosquées. Elle a lu le Coran, a voyagé en Egypte, au Liban, en Syrie, en Tunisie et j’en passe [pour anecdote, son passeport de ressortissante chilienne tamponné de tous les pays du Moyen-Orient lui a causé des problèmes à son arrivée sur le sol américain post 9/11, lui valant un entretien privé avec un agent du FBI à l’aéroport et une fouille complète et méticuleuse de ses bagages].

Sous le rayonnement culturel de ma mère, j’ai découvert que le monde musulman regorgeait de trésors artistiques, architecturaux, en matière de sciences et de société. Elle m’a appris que l’Islam était une très belle religion, basée sur l’entraide, le respect, l’amour. Elle m’a expliqué les différents dogmes musulmans point par point, m’a raconté la vie du prophète Mohammed, m’a aussi décrit les différents courants qui constituent la pratique de la religion, et les conflits qui ont pu en découler. Le tout sans jamais me forcer à m’y intéresser, ni à me persuader que c’était une religion « meilleure » ou « moins bien » qu’une autre.  C’était informatif, intéressant, fascinant parfois, parce que c’était une culture différente, avec ses mystères et ses beautés, ses contradictions aussi. C’était une manière originale de concevoir la vie et la pensée, tout comme j’ai découvert par moi-même ce que voulait vraiment dire « être chrétien ».

Je n’ai pas changé pour autant, je ne me suis convertie à aucune religion parce que mes propres idées ne concordaient pas avec ces différentes croyances. J’ai eu le droit au discours « hétéro ou homo tu seras toujours ma fille et je t’aimerai pour ce que tu es », j’ai eu aussi droit à « catho, ou musulmane ou juive ou bouddhiste ou peu importe, tu choisis ce en quoi tu crois et rien ne changera ».

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Ce qui m’attriste aujourd’hui, et la raison pour laquelle j’écris ce pavé, c’est parce qu’une pensée épouvantable et immonde a creusé sa place dans mon esprit, et elle n’aurait jamais dû :

« J’ai de la chance ».
J’ai de la chance d’être une femme née en France, dans un pays où mes droits ne sont pas limités du fait de mon sexe. J’ai de la chance d’être hétérosexuelle quand une haine ancienne, effroyable, dépassée, à peine cachée parvient à faire son chemin jusque dans les médias. J’ai de la chance de ne pas être « typée » malgré mes origines métissées, et d’avoir un nom qui « sonne français ». J’ai de la chance d’être athée quand un flot d’incompréhension et d’amalgames détruit les fondements de telle ou telle religion à l’échelle mondiale, du fait de l’ignorance crasse de certains. J’ai de la chance d’avoir pu m’intégrer dans un milieu professionnel où les apparences, les idées, voire même les opinions politiques peuvent avoir une importance. J’ai de la chance d’être aimée de ma famille et de mes amis pour la personne que je suis devenue, peu importe mes choix et mes décisions. J’ai de la chance d’avoir appris et appliqué des valeurs basées sur la justice, la tolérance, le respect, la curiosité et l’ouverture d’esprit. J’ai de la chance de pouvoir peser le pour et le contre de chaque événement de ma vie sans que ma réflexion soit biaisée par telle ou telle influence extérieure.

J’ai de la chance, et ça me fait honte.

Tout le monde devrait pouvoir se dire qu’il a sa place là où il est, sans jamais avoir à penser qu’il a bénéficié de conditions exceptionnelles, qu’il a eu plus d’opportunités, de chance, voire même de mérite. Il n’y a aucun mérite à être quelqu’un de tolérant et ouvert, à ne pas être ignorant, à ne pas juger les autres sans avoir fait le tour de ce qu’ils peuvent vivre ou penser, à favoriser la discussion et l’échange au dépit du conflit. J’ai honte de me dire que j’ai grandi dans un milieu exceptionnellement respectueux et tolérant de l’autre. J’ai honte à m’en rendre malade, à en pleurer la nuit, parce qu’il ne devrait pas y avoir de telle exception.

Et si je dois mes valeurs en grande partie à mon éducation, je les dois aussi à mon propre labeur, à ma propre progression dans la vie, à mes propres rencontres, mes propres choix. Personne n’a le droit d’excuser ou de justifier ses idées par l’intervention de forces externes. Personne n’a le droit de nier l’opinion d’un autre sous le seul prétexte qu’il a une religion différente, ou une orientation sexuelle différente ou qu’importe. Agir de cette manière, c’est nier la diversité de l’humanité, c’est nier l’Histoire, les guerres, les conflits, leurs conséquences parfois catastrophiques ; c’est aussi nier la beauté et la grandeur de toutes les choses que l’humanité a construit d’un commun effort. C’est nier sa propre existence, le fait qu’on puisse avoir une vie de famille, une vie amoureuse, une vie professionnelle, culturelle, militante, …une vie en cohabitation avec d’autres vies, en somme.

Et dans ces temps incertains où être différent, c’est attirer la critique, et où exprimer son opinion peut être tout aussi dangereux, je rêve d’un endroit lointain, à l’abri de tout, où on pourrait être heureux sans haine, sans mesquinerie, sans ignorance, sans complots et sans magouilles. Je rêve d’un endroit où l’humanité ressemblerait à celle qu’on m’a apprise, charpentée par la tolérance et le respect. A vrai dire, mes désillusions maintenant empilées en tas bien propres dans le tiroir de mes déceptions, je crois que je rêve d’une autre humanité. Je rêve même parfois de ne plus en faire partie, tellement le monde ne me ressemble plus. Comment vivre dans un pays, un monde, un univers constitué d’un chaos d’opinion contraires, où frapper plus fort que l’autre devient synonyme de succès, de force, de pouvoir.
Comment oser m’imaginer faire des enfants, les voir grandir dans cette atmosphère, tentant  du mieux que je le peux de leur inculquer les mêmes valeurs qu’on m’a transmises, quand je sais qu’un jour ils penseront sans doute qu’eux aussi, ils ont eu « de la chance ».

Le temps des regrets

Il y a trois mois, Adrien est mort.

 

Adrien, c’était un garçon simple, délicieux, exceptionnellement beau : il avait des traits fins et un sourire radieux, une chevelure sauvage qui rendaient ses yeux verts d’autant plus brillants. C’était il y a bien longtemps, dans un petit patelin près de Rennes, où je venais passer une semaine à l’abri de Paris et de son ennui estival. Il avait ce quelque chose, Adrien, cette spontanéité qui se trouve si rarement aux coins des rues. Et ces yeux. Ces yeux si verts, si perçants et rieurs à la fois.

Oh, Adrien, te souviens-tu comme on chantait sous les étoiles ? Lovés l’un contre l’autre dans un hamac de fortune, tu me contais tes doutes et tes espoirs… Il y avait cet accord tacite entre nous, cet interdit qui nous empêchait d’avancer. Et pour cause, on comptait la distance d’abord, mon petit-ami ensuite, qui attendait sagement à Paris que je revienne pour qu’on se sépare seulement quelques mois plus tard. Un seul instant sublime perdure encore dans la mémoire de notre romance éphémère. Moi, emmitouflée dans une couverture immonde, sifflant dans le froid nocturne ma dernière cigarette, et toi, derrière la vitre, à me narguer gentiment de tes sourires et tes regards. Tu t’es collé à la vitre et tu m’as murmuré des mots que je n’entendais pas, que je n’entendrai jamais, couverts par le boucan de nos compagnons de soirée. Et puis j’ai cerné le mouvement de ta bouche, délivrant un message unique, marqué ensuite d’une longue pause où tes yeux n’ont pas quitté les miens. “C’était bien, cette semaine avec toi”, et tu as posé ces lèvres contre la vitre, attendant patiemment que je scelle à jamais cet instant flottant dans le temps et l’espace. J’y ai posé les miennes à mon tour, furtivement, maladroitement. Le froid des nuits bretonnes m’a pris soudain, et j’ai dû trembler si fort que ma cigarette en est tombée. Profitant de mon inattention, tu as disparu, rejoignant la sulfureuse partie de poker qui faisait rage dans le salon.

Le lendemain, je suis partie, et si le souvenir reste, les sentiments se sont apaisés bien vite, si vite que l’année suivante, et celle d’après encore, je t’aidais devant cette même vitre à écrire une chanson pour ta nouvelle dulcinée.

 

Je le conserverai longtemps dans un petit tiroir de mon coeur, cet Adrien. J’aurais aimé le remercier et le prendre dans mes bras, comme on serre contre soi un frère longtemps éloigné. J’étais jeune à cette époque, et l’amour m’avait battue de nombreuse fois, et je n’en attendais déjà plus rien. Le peu qu’il m’a donné m’a remplie d’une vigueur nouvelle, et je lui dois une certaine forme d’épanouissement, dissipant la rancoeur et la peur que je ressentais à l’égard de l’autre sexe.

 

Et si sa disparition soudaine m’a bouleversée, ce n’est pas tant parce que la mort nous prive des êtres chers, mais parce qu’elle nous remémore toutes les occasions manquées. Les mots qu’on a pas osé dire, les attentions qu’on a pas pu porter. La mort nous plonge dans les souvenirs doux-amers qu’on se repasse les yeux fermés, la nuit, à la lueur des phares de voiture sur le plafond blanc d’une chambre monotone. Le regret et son goût acre nous mord comme la première tasse de café du matin, et ses vrais arômes ne se diffusent qu’au bout d’un certain temps, avec l’âge, l’habitude, et la sagesse sans doute aussi. Je chéris maintenant mes souvenirs d’Adrien, et si une larme coule parfois, elle roule sur ma joue par gratitude plus que par tristesse. J’ai et j’aurai toujours des regrets, celui d’abord de ne pas l’avoir mieux connu, de ne pas avoir pu devenir une véritable amie. Et si la mort est le dernier obstacle, infranchissable, elle permet de nous rendre compte aussi bien des occasions perdues que des moments réellement vécus. Je ne dirai pas tout ce que j’avais à dire à Adrien. Je me murmurerai ces mots à moi-même, dans l’obscurité de ma chambre monotone, avec pour seuls interlocuteurs ces phares qui dansent sur mon plafond. Je lui répondrai à mon tour combien ma semaine a été fantastique et ô combien le souvenir de cette vitre hantera avec l’éclat d’un feu d’artifice sa mémoire.

 

Si je me remémore soudain Adrien, c’est parce qu’hier nous avons vu partir Nina, petite chatte épuisée d’une quinzaine d’année. Comme c’est égoïste de s’attacher à un animal, comme c’est masochiste, de l’observer vivre sa courte existence en sachant pertinemment qu’on la verra se finir, un jour, bien avant que notre propre fin ne vienne. Et tout comme Adrien, ça faisait des mois, peut-être des années que je m’étais séparée d’elle, la laissant à l’affection débordante de ma soeur. Tout comme Adrien, ce n’est qu’à l’annonce de sa mort imminente que je me suis trouvée emprisonnée par mes regrets, par ces souvenirs de nuits d’automne, le chat roulé contre mon ventre, sa respiration paisible, son sommeil sans rêves.
En sortant de chez le vétérinaire, j’étais en colère. Un colère terrifiante, écrasante, celle de n’avoir pas su lui dire adieu, de n’avoir pas ravalé ma fierté avant qu’il ne soit trop tard. Je la revois, effrayée, sur la table, posée sur sa couverture. J’ai détourné les yeux, je lui ai timidement tapoté la tête ; je n’aime les drames et les séparations déchirantes que dans les films, loin de la réalité des effusions de sentiments que j’évite au jour le jour. Cette nuit, j’ai regardé les phares dansant sur le plafond, et j’ai réalisé que le regret m’écrasait bien plus que les souvenirs que j’avais d’elle. C’était stupide, c’était même révoltant. Elle était magnifique, Nina, cette petite peste paranoïaque qui m’amusait tant. J’oublierai ma dernière vision d’elle, malade, fatiguée, tout comme j’ai préféré ne pas m’imaginer les circonstances épouvantables de la mort d’Adrien. Je ne garderai d’elle que son museau humide posé contre mon bras, son ronronnement doux et constant, sombrant à l’unisson dans un sommeil paisible.


Dans l’ombre de la nuit, mes souvenirs perdurent toujours.

 

Nina

Requiem pour un gentil garçon

Mesdemoiselles, le gentil garçon est mort. Ou du moins il va mourir. Bientôt. Par votre faute.

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J’ai longtemps été de celles qui se fond dans la masse des nanas faussement difficiles, faussement exigeantes, qui trouvent toujours un tas de prétextes pour ne pas s’intéresser à quelqu’un. « Il est trop ceci, pas assez cela ». Ces filles qui se donnent une aura de grand mystère, qui s’insurgent quand un mec « trop banal » les drague, qui s’élèvent sur des hauteurs telles qu’au final, rares sont ceux qui ont le vrai courage d’aller les chercher. Ces filles -là, et je répète que j’en ai fait partie, se cachent, se mentent. Elles vivent dans un univers de romance désespérée, et crient à contre-coeur sur tous les toits que le prince charmant n’existe pas. Alors si, mesdemoiselles, le prince charmant existe. Il existe même en millions de copies, dans tous les formats, toutes les tailles. Il prend du café le matin et pue de la gueule parfois, va aux toilettes et loupe la lunette, il boit de la bière et a des passions de merde, genre les armoiries des grandes familles du XIIIe siècle ou les joueurs de tennis des années 70.

Redescendons un peu sur terre. Le mec qui vient vous enlever sur un cheval blanc pour vous traîner aux quatre coins du monde, avec qui chaque dispute sera un drame national et chaque retrouvailles une scène de sortie de prison, ce mec là, c’est un pervers psychopathe, un gros relou qui pète plus haut que son cul et qui en a probablement moins à foutre de vous que de sa dernière paire de chaussures (… et puis bordel, un cheval blanc, en 2013 ?!). Ce mec là, c’est celui qui vous viole avec un regard ténébreux et vous déclame un « poème » volé sur les bas fonds de l’internet, et qui le jour suivant va aller se vanter chez ses potes d’avoir pécho toutes les gow de la soirée. Ses fantasmes à lui sortent soit des meilleurs jours de X-art, soit des jours d’orage de Brazzers, et il ne vous respectera jamais autant que celui qui a inventé cette cigarette qui lui donne un air si sensuel et mystérieux. Je ne dis pas qu’il ne sera jamais amoureux, je dis qu’il ne le sera jamais autant que de lui-même.

barney-stinson-le-dragueurEt vous, jeunes demoiselles en quête d’amour, vous sautez à pieds joints dans le piège, vous vous enfoncez les doigts dans les yeux jusqu’au cul à vous lancer en pilote auto vers la proie la plus fourbe, la plus difficile. Pourtant vous savez que même si vous l’attrapez, votre connard plagié sur une couv’ de GQ, il vous glissera toujours entre les doigts, parce qu’il a jamais réussi à passer au dessus de sa relation ambigüe avec sa mère, et surtout parce que c’est un ado attardé de 22 ans qui n’a jamais daigné penser que le bonheur, c’est aussi les autres, … c’est aussi « l’autre ». Ce mec là, c’est un gros couard, et c’est pas d’une copine dont il a besoin, c’est d’une mère qui lui foute une gifle de temps en temps.

Pendant ce temps, une espèce se meurt.
Relégué au banc des « mecs normaux », contraint à observer cette danse débile du connard fyuant ses gazelles, le gentil garçon attend. Et il attend. Et il attend. Et en attendant il s’est dit que la vie était bien injuste et que toutes les jolies filles en avaient rien à branler de sa vie misérable de garçon normal. Alors ila fait une grosse connerie. Dans le fond de son cerveau tout rabougri par la frustration, il a créé la friendzone. Grosso-modo il a pris une vingtaine de piquets, un maillet, a construit une cloture tout autour de lui, et comme un gros con, il s’est collé un post-it sur le front : « JE T’OFFRE TOUT SANS JAMAIS RIEN DEMANDER ». Alors les nanas, quand elles voient ça, elle viennent, se servent, et laissent le pauvre abruti derrière sa cloture où il s’est mis TOUT SEUL COMME UN COUILLON au lieu de se SORTIR LES DOIGTS DU CUL. Inutile de préciser ici ma position sur la prétendue friendzone.

niceguyemotionsIl faut dire que le gentil garçon, tout mourrant de son état, il est pas très fort en marketing. Ce qu’il aurait dû écrire sur son post-it, c’est plutôt une jolie liste, avec de jolies couleurs et des petits dessins, où il explique qu’il n’attend rien de vous, qu’il vous trouve jolie même quand vous avez la flemme d’enfiler autre chose qu’un jogging le dimanche, qu’il s’en fout de votre paire de talons de 12 mais qu’il est toujours fier de vous avoir au bras, qu’il vous réveille le matin en vous faisant des bisous même si vous avez une haleine de chacal en décomposition, qu’il aime pas trop entendre parler de vos exs mais qu’il aime vous écouter parler de vos moments les plus honteux, parce que ça lui rappelle que vous êtes un être humain en plus d’être une princesse. Le gentil garçon, il vous regarde dans les yeux quand il dit qu’il vous aime et il se lève à 9h le dimanche parce que dans votre sommeil vous avez marmonné que vous aimiez les croissants. Il vous fait l’amour comme si vous étiez la première (c’est peut-être vrai), et se décompose quand vous froncez les sourcils. Le gentil garçon, il est inconditionnel et il garde en tête qu’il a de la chance d’être avec vous parce que vous êtes une fille exceptionnelle, et honnêtement, vous devriez faire de même. Alors certes, « nice guys finish last » comme on dit, parce que ces abrutis se dénigrent automatiquement et laissent tous les autres passer devant, pour finir roulés en boule dans un coin à détester l’humanité entière. La faute à qui ?

Mais voilà. Derrière sa clôture, il attend désespérément d’être nourri d’un peu de tendresse, et ronge ses ongles à l’arrière-goût de complexes. Tout ça parce que nous, petites princesses aux attentes bien plus élevées qu’on ne le mérite, ne voulons pas tourner la tête vers la réalité, de peur de tomber nous-même dans le cauchemar de la banalité et de la routine. C’est faux. L’aventure, c’est pas un weekend à St Trop’, un bracelet Van Cleef ou un tour de Paris en limo. Grandir suffisamment pour se rendre compte qu’ouvrir les yeux le matin sur une personne à laquelle on tient, et recevoir le même regard en retour, c’est ça la vraie aventure.

Ouais, cet article est cucul ; ouais, je suis pas allée chercher l’inspiration bien loin. Mais ça commence à me lourder toutes ces filles qui se plaignent alors qu’elles sont entourées « d’amis » formibales, qui meurent de leur offrir tout ce qu’elles demandent. Idem pour tous ces garçons géniaux qui se morfondent dans leur pauvreté sentimentale alors qu’ils n’auraient qu’à se bouger un peu. Poufs capricieuses comme garçons frustrés et paresseux, un seul ordre : grandissez un peu et arrêtez de regarder votre nombril. Merde.

Une belle histoire

Il y a dans l’univers des concepts sociaux qui nous échapperont toujours. Je ne parlerai pas d’Amour ici, car l’Amour est simple et limpide, et ce sont nous seuls pauvres mortels qui lui accordons plus d’obstacles qu’il n’en existe vraiment. Outre les multiples attitudes et réflexes sociologiques qui unissent les êtres humains entre eux, le lien le plus délicat et obscur restera sans nul doute l’amitié.

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Si l’instinct animal a été retourné et décortiqué pour en obtenir les racines de la vie humaine en société (évoluer en groupe plutôt que survivre seul), l’amitié quant à elle n’a pas vraiment de source, du moins dans le cadre de l’Histoire, et je me pose depuis longtemps la question de l’origine de ce rapprochement parfois exclusif et souvent inconditionnel entre deux êtres humains. Pourquoi accorde-t-on plus d’importance à certaines personnes qu’à d’autres ? Sur quelle échelle positionnons-nous cette affection ? Pourquoi n’existe-t-il pas une vision unique et indivisible de l’Amitié avec un grand A, mais une infinité d’interprétations et d’applications différentes ?

Je n’ai pas la réponse à ces questions, pas plus que d’illustres philosophes du passé ou autres analystes de l’intangible. A vrai dire, cette idée d’Amitié me laisse perdue et effrayée. En dehors de toute définition du concept de l’amitié, je veux me pencher d’abord sur son application et ses effets. L’amitié, dans l’idée commune, c’est rencontrer et fréquenter une personne avec qui on tend à partager certaines choses, parfois des choses infimes et/ou intimes, une personne pour laquelle on est aussi prêt à quelques concessions. Mais alors, où tracer la frontière avec l’Amour ? Dans mon idée, je ne suis pas réellement sûre que cette frontière soit aussi marquée qu’elle n’y prétend. Par exemple, et je sors mes vieux cours de philo, Aristote disait que l’amitié naissait de la rencontre entre hommes bons et vertueux, ayant comme intérêt commun d’apporter du bien aux autres, et ce du fait de leur vertu ; mais Aristote estimait aussi que la vraie et grande amitié était marquée par l’amour gratuit et inconditionnel qu’une personne porte à une autre, dans l’unique souci du bonheur de celle-ci (et non dans un intérêt commun ou personnel).

Je me permets ici-bas d’être entièrement honnête et de décevoir Aristote en annonçant que je n’ai jamais vécu ce type d’amitié. Et permettez moi à nouveau de vouloir ôter les illusions de l’audience en déclarant que je ne pense pas qu’une telle amitié existe réellement. Un être humain, et particulièrement aujourd’hui, ne peut décemment tout offrir à quelqu’un sans attendre en retour. Je rejoins l’idée qu’il est possible, et même courant, de ne vouloir que le bonheur de quelqu’un et d’être prêt à se sacrifier dans ce but, mais je doute que cette attitude vienne gratuitement. Après tout, nous savons qu’il est bien difficile d’admettre qu’on vit par intérêt sans passer pour le dernier des muffles, en particulier lorsqu’on s’auto-proclamme dans un don de soi intensif voire exclusif avec un individu spécifique.

Je m’interroge bien souvent sur la tendance de notre monde contemporain à pousser l’individu au repli sur soi, et je pense que nous tenons là l’un des principaux maux de notre siècle. Dans ces temps houleux où trouver une carrière, un emploi, un avenir, et quelqu’un avec qui finir ses vieux jours culminent dans la liste des réalisations instables et irréalisables, voire carrément utopiques, pourquoi l’amitié n’aurait-elle pas subit les retombées de ce manque de sécurité global ? Pourquoi ne pas aussi douter de cet investissement risqué qu’est l’amitié ? Et je choisis délicatement mes mots en parlant d’investissement, puisque ce qu’on investit implique généralement un retour.

Oui, l’amitié n’est pas à sens unique, et c’est ainsi que je fonctionne. Je ne me proclame pas vertueuse à l’image de l’ami d’Aristote, mais je considère donner généralement beaucoup de mon implication, de mes conseils et de mon empathie à ceux que je peux nommer mes amis. Mais cet effort à un prix, et il n’y a pour moi pas d’amitié sans retour sur investissement. On attend souvent d’un ami qu’il s’implique autant qu’on a pu le faire pour lui-même quand il en avait besoin, et bien que je ne sois pas exigeante au point de réclamer l’exacte même dose de soutien que j’ai pu donner il fut un temps à tel ou tel ami, j’estime que quand quelqu’un nous porte une attention particulière, il est normal de lui retourner cette attention, même par d’autres moyens, et même si ces moyens sont moindres…mais pas inexistants.

Mais se pose alors la question de l’Ami lui-même. Pourquoi lui, ou elle, a fait jaillir quelque chose de plus profond en moi ? Et à partir de quel “stade” cette personne est-elle devenue “officiellement” mon ami(e) ? Les versions diffèrent autant qu’il y a d’âmes peuplant cette terre, mais on peut détacher deux tendances. Les amitiés opposables et les similaires.

Celles que je nomme “opposables” constituent ces amitiés qui n’ont d’apparence rien en commun, mais qui s’équilibrent l’une et l’autre, sont complémentaires l’une de l’autre (et vous voyez ici dans ma formulation que la limite entre notre façon de concevoir Amour et Amitié est finalement presque illusoire). Je les vois comme des parties incomplètes, qui cherchent désespérément à vivre ce qu’ils voudraient vivre à travers l’autre, sans pouvoir s’affranchir de leurs propres barrières. Nous avons tous cela en nous, et contribuons peut-être inconsciemment à compléter quelqu’un d’autre, tandis que nous regardons nos nombrils en priant discrètement pouvoir un jour être aussi (…) que untel ou untel. Ces amitiés-là sont souvent frappantes, et surtout sont certainement moins compréhensibles du fait que toutes les choses qui d’apparence séparent ces deux personnes résistent à l’a priori et les rapprochent malgré tout. Cependant, nous sommes d’accord que pour réunir deux entités entièrement opposées, il faudra toujours un lien subtil, une ressemblance ultime capable d’allier deux extrêmes.
A l’autre bout de la table, il y a les amitiés similaires, mes petites favorites, qui reposent sur une cette idée antique (n’oublions pas Aristote) que l’amitié ne peut à l’origine se créer qu’entre deux hommes de même bonté et de même vertu… de même disposition, en somme. Cette forme d’amitié a sans doute beaucoup plus influencé l’Histoire qu’on ne le pense, dans sa dimension politique ou encore artistique, de même que dans sa dynamique sociale. L’amitié par affinité. Pourtant, une question me taraude toujours, moi qui favorise souvent une amitié quand elle me rappelle ma propre personne : pourquoi poursuivre continuellement la ressemblance et le partage de traits de caractère communs, si c’est dans le but final de me retrouver face à un double de moi-même. Ne me suffis-je pas à moi-même ? C’est là la grande contradiction de ma vie sociale et amicale. Je me suffis à moi-même malgré tout, et je n’aurais jamais de meilleur ami que mon petit cerveau égoïste et angoissé. Alors pourquoi continuer ? Pourquoi ?! Pour la compréhension et l’attention. Pour pouvoir dire ce que je pense et je ressens sans la peur constante d’être jugée pour ce que je suis. Exister, c’est exister surtout dans le regard des autres, et cette existence devient bien pénible quand nos idées nous paraissent insensées à l’écoute de l’opinion de nos pairs. Un miroir de moi-même pourrait comprendre cette peur panique. Mais pour comprendre, ne faudrait-il pas aussi un pointe de différence ? Une vision légèrement plus extérieure capable d’intégrer d’autres éléments pour compléter la compréhension ?

Un autre rapport de forces m’inquiète enfin : la balance entre qualité et quantité. Ayant été quelqu’un de très solitaire pendant une bonne partie de ma vie, j’ai toujours eu très peu d’amis proches, peut-être trois tout au plus. J’ai longtemps entretenu une qualité équivalente dans ce cercle proche de mes amis, qualité qui s’est détériorée à partir de l’adolescence tardive, quand les restrictions nocturnes diminuent et les rencontres se fluidifient pour finalement brasser beaucoup de personnalités autourd’une seule et même personnes. Un de mes plus grands regrets aura été de privilégier pendant un temps la quantité à la qualité, me délectant de ces soirées bondées où pour pouvoir parler à tout le monde on est contraint à limiter les conversations à quelques minutes. Dans ma grande naïveté, je me suis attachée à ces multitudes de personnes, me persuadant qu’ils étaient tous mes amis, sans me rendre compte que d’une part, je n’avais pas physiquement pu leur donner tout ce que j’aurais voulu donner à ces nouvelles rencontres, et d’autre part en ne réalisant pas que je prenais beaucoup du temps alloués à mes amis proches pour le verser ailleurs. J’étais un peu optimiste, et surtout très égoïste, dans l’idée que plus je serais entourée, plus je serais rassurée, et donc possiblement plus heureuse.
Alors oui, l’amitié a une limite numérique, qui n’est certes pas mathématiquement quantifiable et dépend sans doute des gens et de leurs capacités. Je dirais que l’amitié est un mur. On le construit et on le solidifie, pour se protéger nous-même et pour protéger les autres ; mais il vient un jour l’envie de se construire une grande citadelle à partir de ce mur, et quand on arrive à court de matériau, on gratte le grand mur initial pour fournir les petits autres. Au final, les murs porteurs s’écroulent, et on se retrouve entouré au mieux d’un joli terrain orné de palissades, bien mignonnes mais peu pratiques les soirs d’orage ou de grand vent.

Que doit-on tirer de tout cela… ou plutôt, que dois-je tirer de tout cela, moi dans mon idée de l’amitié, de sa naissance, de ses avantages et inconvénients ? Tout d’abord, l’amitié est personnelle. Elle ne se soumet pas à une règle commune et, de par sa nature complexe, à la fois éphémère et capable de changer une vie, elle doit forcément passer par une analyse et une définition propre à celui qui l’applique. C’est en cela que je crains l’amitié. Parce que je ne la comprends pas bien encore, et ne suis pas sûre jusqu’où je veux réellement la mener. J’expliquais il y a quelques jours a des “amis”, justement, que peu de mes amis même très proches avaient jamais réussi à me cerner, et que je n’arrivais pas encore à savoir si c’était une bénédiction ou un handicap. Là est ma limite dans mon positionnement sur l’amitié. Ce qui me pousse aujourd’hui à tout mettre sur la table et m’y plonger, ce sont au final les regrets et les douleurs. Je reconnais avoir fait des erreurs, et j’en fais toujours aujourd’hui, et elles constituent sans doute ma principale crainte lorsqu’il s’agit de m’ouvrir à quelqu’un. Ce n’est plus la peur de me faire comprendre qui me guide, c’est aujourd’hui la peur de reproduire les faux-pas qui m’ont causés de mauvaises rencontres ou la perte de personnes qui m’étaient chères et qui m’apportaient par leur ressemblance ou leurs oppositions, une grande sérénité.

L’Amitié, ce n’est finalement qu’une question d’équilibre, avec soi-même et avec les autres, et sans doute nous trouverons tous un jour le nôtre. Je vous le souhaite en tout cas.

La nuit, je mens

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Cette nuit-là, je repense à lui.
Je revois ce regard, ce sourire si dur à mériter, ses cheveux, sa barbe. Je me remémore nos prémiers échanges, ces longs mails sans queue ni tête, pourtant soigneusement organisés, ses coups de folie, ses colères, ses confessions parfois. Ce défi lancé au détour d’un paragraphe de faire un cover décent de Rihanna. Il l’a fait. Je l’ai gardé.

Cette nuit-là, je me rappelle notre première rencontre. « Bastille, 20h30, je porte un chapeau. » Je suis arrivée en retard, pas lui. Un premier bar empli de malaise, un pote qui le reconnaît et s’incruste. On sort, on marche, on ne parle pas. Puis un autre bar, une barquette de frite et deux bières plus tard, il décide de m’apprendre à rouler des clopes. Je roule comme une merde. Premier sourire. On discute, enfin.

Cette nuit-là, je revis ses absences, les miennes, nos retrouvailles de 5 pages Word. L’invitation au concert de ses potes, un regard embarrassé puis on se retrouve à attendre la fin dehors. J’entends ses silences quand on ne se regarde pas. Les images défilent, un concert de Daniel Johnston où je m’imagine le serrer dans mes bras, un film où Denzel Washington sauve le monde, une expo à la Gaité Lyrique. Il y a une marelle dans une salle, on doit se tenir la main, c’est le jeu ma pov’ Lucette. La sienne est moite mais je la tiens fermement. Notre seul et unique contact physique gravé dans l’Histoire. Dehors il pleut et j’attrape froid, je passerai deux semaines au lit.

Cette nuit-là, je resent le goût de la Kilkenny sur mon palais, face à face avec un ami, qui me demande pourquoi. Pourquoi après deux ans un pot nous sépare toujours, ce garçon et moi, dans une ronde infinie. Il y a l’amour, il y a la vie, et il y a lui. Il y a mes fantasmes de romance dramatique contemplative. Et il y a lui. Ce jeu dangereux de manipulation, de chantage, de non-dits et de silence que l’on joue me plaît. Pourtant, je baisse les bras. Un sms pour demander audience et mettre les choses à plat. Il répond que j’ai raison, et qu’il faut qu’on se voie.

Cette nuit-là, je me souviens que quelqu’un d’autre arrive dans la danse. Un imprévu, une péripétie. Je ne sais plus où j’en suis, j’attends l’entrevue finale avec impatience, tant de sentiments à confesser et pourtant, je crois que ce parfait inconnu croisé au détour d’une soirée me plaît, alors j’accepte son invitation. Quelques semaines et nous voilà cet inconnu et moi l’un contre l’autre, il se tourne et m’embrasse. Un battement de coeur plus fort qu’un autre résonne dans ma poitrine.

Cette nuit-là, la chaleur m’étouffe, et ma tête bourdonne. Je tourne la tête, ma péripétie est à côté de moi, il dort. J’imagine quelques secondes si l’autre était à sa place. Le silence de la pièce m’écrase soudain, et subissant sans doute la pesanteur de mon regard, le mâle s’éveille dans un dernier ronflement. Il ouvre ses yeux bleus, interrogateurs : « Ca va ? » « J’ai trop chaud ». Il a soif, moi aussi. Je reviens de la cuisine avec un grand verre d’eau, il s’est déjà rendormi. Un léger sourire fracture mon visage engourdi. L’amour, la vie, c’est lui, et personne d’autre.

Cette nuit-là, un vieux fantôme s’est enfui.

Z Q S D

Malgré tout ce que les gens que je fréquente peuvent penser, je suis quelqu’un d’assez secret. Je bavarde souvent des choses qui m’intéressent, mais je n’explique jamais vraiment mes passions parce qu’elles m’obligent souvent à révéler un peu de ma vérité.

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Ma vérité, elle est ailleurs. Elle s’efface du réel pour plonger dans un monde fantastique que j’ai créé au fil des ans. Cet Atlantide personnel, englouti sous les multiples strates du comportement social, c’est mon imagination.

Très jeune, j’ai commencé à lire, énormément. J’avalais des pages et des pages, engloutissant des yeux les quantités astronomiques d’informations que je rassemblais au fil des textes. Les images se créaient dans mon esprit, et je m’amusais ensuite à reproduire ces images plus tard, lors de rêvasseries diurnes ou nocturnes, et les modifier, les améliorer, les transformer à volonté. Un peu comme un dieu.

Je rêvassais beaucoup (trop, au goût de mes parents… qui ont quand même cru à de l’autisme ou à un problème auditif à une époque, pour dire). La nuit, une fois bordée par maman et les lumières éteintes, je me plongeais aussitôt dans des aventures sans limites de temps ni d’espace, où mon lit devenait le théâtre d’événements dignes des pires scénarios hollywoodiens. Je n’ai jamais eu peur du noir, ni des monstres sous le lit, parce que l’obscurité totale de ma chambre m’autorisait à tout imaginer sans rien voir autour de moi, et les monstres n’étaient que de passage dans des rêves que je contrôlais. La lumière, c’était la réalité. La nuit, c’était mon camouflage. Les peluches qui partageaient ma couette devenaient mes compagnons, mes alliés, mes ennemis et mes amours aussi.

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Cette routine nocturne de vivre mes propres films tous les soirs m’ont affligée d’une timidité inexplicable. Loin de ne pas avoir d’amis (je suis malgré tout quelqu’un de très « sociable »), ma timidité s’exprimait dans cette constante rêverie. En classe, je finissais mes exercices avant tout le monde pour avoir le temps d’esquisser mes aventures sur papier (à ceux qui m’ont demandé comme j’avais appris le dessin, maintenant vous savez). Je ne faisais que perpétuer mes fantasmes de grandes aventures. Je me rêvais grande et jolie et vivante et courageuse comme jamais. Je n’étais qu’une gamine de 9-10 ans, mais je voulais déjà être quelqu’un d’autre, vivre des choses dont je savais déjà qu’elles ne m’arriveraient jamais.

Tout cela s’est empiré à l’adolescence. Je ne suis pas sure d’avoir besoin de donner des détails. Les boutons, l’appareil dentaire, le repli sur soi, les évasions imaginaires qui mûrissent et qui passent d’Adventure Time à Tomb Raider starring Lara Croft. Et le voilà. Le sujet sur lequel je voulais vous emmener. Avant, il y avait la lecture. Après, il y a eu l’ère numérique.
Une information capitale : mon père était informaticien. Oui, juste informaticien, il n’était pas web développeur ou spécialiste de tel domaine spécifique de l’informatique. Il faisait un peu de tout, il tatait des machines, à une époque où avoir un pc était encore signe de richesse et pas tout à fait une nécessité. D’aussi loin que je me souvienne il y a toujours eu des ordinateurs dans ma vie (généralement des Mac parce que mon père… hm hm *tousse* macfag *tousse tousse*). Les jeux étaient encore rares et les sorties Mac n’arrivaient qu’un à deux ans après la sortie officielle d’un jeu. Mon oncle, lui aussi informaticien, était pour le coup plus « conventionnel » et gardait 3 à 4 Windows constamment allumés dans le sous-sol de chez mes grands-parents. J’y ai fait mes premières armes.

Instant rétro moche : lancez donc ça avant de lire la suite.

J’observais d’un oeil vaguement intéressé mon père et ses deux frères enchaîner des parties endiablées de Warcraft: Orcs and Humans après deux heures à déterrer des câbles épais comme mon bras pour une partie en réseau. Je me souviens d’un de mes tout premiers jeux, Little Big Adventure, dont la musique restera à jamais gravée dans ma mémoire. Je me souviens de mes découvertes hasardeuses, de l’incroyable quantité de jeux cultes qu’avait dégoté mon oncle (aujourd’hui rangés par les amateurs sur la précieuse étagère du rétro-gaming), du jour où j’ai inséré pour la première fois le CD d’une version piratée de Tomb Raider, du désespoir devant mon groupe de péquenauds (soigneusement choisi sur des critères uniquement esthétiques) qui se faisait massacrer dans les premières minutes de Icewind Dale. Ces parties de Carmageddon sur les genoux de mon oncle, où on riait aux éclats quand j’écrasais des gens dans mon bolide tout défoncé. Et ce superbe coffret de Myst que je n’ai jamais osé ouvrir, tel une boîte de Pandore rangée dans un coin et entourée d’une aura mystique que je ne saurai jamais expliquer.

De ces premiers émois vidéo-ludiques, j’en ai gardé une trace indélébile qui me poursuit jusqu’à aujourd’hui pour me hanter au quotidien et devenir presque… vitale. En grandissant, le jeux devenant plus accessibles, ma passion pour la littérature a commencé à laisser peu à peu place à cet imaginaire plus mature qui m’avait happée dans les jeux vidéo. Ce besoin de plus en plus fort de vivre des choses extra-ordinaires me poussait toujours plus à m’impliquer dans ces jeux qui finalement m’offraient sur un plateau tout ce qui me demandait jusque là une sorte d’effort mental. Un rôle, une histoire, un paysage.

Je pense que progressivement, quelque chose de bon s’est produit à travers mon amour du jeu vidéo, et à l’inverse quelque chose de très mauvais. La bonne chose, c’est que j’ai réussi à contenir cet imaginaire inépuisable et parfois très encombrant pour le reste de mes activités. J’ai tout canalisé dans les jeux, et bien qu’en y jouant finalement assez peu (pas de console à la maison, ordinateur accessible sous réserve de l’accord de l’Autorité Parentale), j’avais trouvé une autre manière de vivre mes milles autres vies, et ça a beaucoup joué sur mon équilibre. Sans celà je serais probablement devenue une fille frustrée et désabusée par le seul et unique monde dans lequel elle vit.

La mauvaise chose, c’est qu’en grandissant et gagnant en accès aux jeux vidéo, j’ai perdu beaucoup du reste. Je ne rêvasse plus le soir dans mon lit. Je n’arrive plus à m’imaginer sur les sommets de l’Himalaya avec mes 9mm et une armée de démons à combattre pour ensuite rejoindre mon amant super-héro et partir dans le coucher de soleil. Je ne vis plus qu’à travers des réminiscences de jeux vidéo usées jusqu’à la moelle. Je suis toujours moi, mais ce n’est plus qu’un substitut d’imaginaire dans lequel j’évolue lors de mes rêvasseries. Peut-être aussi que l’âge et la maturité y a joué. img-142891-1353948620Voyez, aujourd’hui mes rêves se partagent entre cauchemars de dettes bancaires, de mariage et de disputes familiales. On passe d’Hollywood à la comédie-dramatique de Philippe Lioret.

Et me voilà du haut des mes 21 ans, bel et bien accro, complètement enfoncée dans cette double vie que je partage entre nos rues bétonnées et les toits d’une Venise sous la Renaissance. La vie a plus de saveur quand on évolue ailleurs, la beauté a plus de sens dans d’autres paysages, même tout de pixels vêtus. Le coeur bat plus fort aussi, surtout quand IRL l’activité la plus risquée consiste à sortir ma carte bleue chez Casino.
Je vous en parlerai, de ces jeux qui m’ont marquée et peut-être aussi changée. Mais pour l’instant je m’en retourne rêver, le bout des doigts bien en place au dessus du grand code secret : Z, Q, S, D.

Coming Out

Cet article n’est pas un article sur l’homosexualité. Ce n’est pas non plus un article anti-féministe. Presque. Pardon. J’ai mis des jolies filles en photo quand même parce que c’est gratuit.

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Si t’as pas vu ce film t’es un sac à foutre en vrai

J’aime les femmes. D’une manière assez catholique vous dirais-je pour rectifier vos premières pensées. Oui, j’aime les femmes, leur manière d’être, de penser. J’aime leur plastique, et j’aime ce que certaines femmes en font. J’aime aussi ce que la société a fait d’elles, jusqu’aux multiples dérives d’aujourd’hui.

Je n’ai pas la chance d’être gratifiée d’un physique superbe, ni d’un intellect infini, même si j’arrive à me vanter d’être spirituelle, parfois. J’ai appris à lire la beauté des gens dans les petits détails, et les femmes autour de moi ont toutes cette manière d’être belles par x ou x moyens, que ce soit par leur grâce ou leur intelligence. Car oui, je vais enfoncer une porte ouverte par des milliards de connards avant moi, mais la beauté ne passe pas uniquement par un joli minois, une moue boudeuse et un fond de teint Chanel. Elle vit dans tous les petits détails d’une démarche, d’un sourire, d’une parole bien adressée… et j’ai fait de l’attention à ces petits détails ma grande spécialité. Observatrice de l’infime, médium de l’invisible, je regarde les gens et j’interprète ces petits coups de pinceaux pour en sélectionner les plus beaux morceaux, et composer mon propre tableau. C’est comme ça que je vois la beauté des gens, et particulièrement des femmes : par petites touches diverses et disparates. Ce que j’aime tout particulièrement chez les femmes, c’est cette manière qu’elles ont de toujours s’imposer au regard des autres. Extraverties ou timides, elles ont appris en grandissant que vivre, c’est s’exposer, et chacune joue sur cette règle à sa manière.

evaJ’aime l’orgueil des femmes fatales, leur manière de tout montrer sans rien dévoiler, j’imagine les heures devant le miroir à pratiquer ce regard qui leur paiera leur cocktail du soir. Je me suis entraînée aussi… et je paie mes verres toute seule. J’aime la tristesse qui se cache derrière certaines d’entre elles, à mi-chemin entre la lassitude, le désintérêt et l’envie pourtant de continuer à briller, à exister dans le regard des autres. Elle ont cette faculté de faire chavirer un coeur en un clignement d’oeil, et niveau skill c’est plutôt pas mal. Je ne les jalouse pas mais je les admire, secrètement, de loin, comme lors de ces soirs où par la fenêtre de ma chambre s’insinue l’odeur d’un repas voisin, mijoté pendant des heures et au fumet si délicieux alors que je me contente d’un plat surgelé : tout est question d’effort. Au final, on se nourrit.

J’ai une tendresse particulière pour les filles intelligentes, drôles, piquantes, au caractère parfois bien trempé, qui hurlent au vent que la séduction physique ne vaut rien, mais chez qui les petits détails avouent honteusement leur désir de plaire, un peu, au hasard, au cas où, si jamais, par chance, peut-être. Il y a du complexe enfoui là-dedans, mais du complexe familier, chaleureux, qui me rappelle mes pires heures dans les cabines d’essayage. J’aime ces filles parce qu’elles ont trouvé l’autre passerelle à la vie publique. La passerelle qu’on traverse les yeux fermés pour ne pas voir le regard des autres et surtout pour ne pas se voir soi-même. Mais elles traversent quand même. Ce sont les femmes que je trouve les plus jolies, parce que l’absence d’effort matériel pour séduire renforce les éléments naturels de leur beauté. Il suffit parfois d’un t-shirt en coton pour laisser deviner une taille fine, d’une paire de lunettes un peu sévères pour mettre en valeur deux pupilles, qui en plus de ça luisent avec intelligence. J’ai été un peu des ces filles là autrefois. J’ai un peu changé.

Shy by

Et je maudis l’émancipation sexuelle, qui a transformé les femmes en chimères maladroites, scindant notre genre en deux catégories détestables : les égoïstes et les prostituées.
Celles qui ont décidé que fuck le monde, j’fais c’que j’veux et je pue si j’veux, et ‘toute façon ça n’a plus d’sens aujourd’hui, on a évolué bordel, sus au patriarcat qui a fait d’nous des esclaves sexuelles de c’monde maudit, je m’en vais acheter des Crocs !! Non. Plaire c’est donner. Quand je m’habille avec élégance, je donne un peu de moi, je m’ouvre un peu aux autres, je dévoile aussi ce que j’aime chez moi pour que les autres l’aime aussi… Plaire c’est aussi s’aimer, et aimer qu’on nous aime. La bonne chose qu’a apporté la révolution sexuelle, c’est simplement qu’aujourd’hui, c’est nous qui imposons le degré de soumission auquel on veut bien s’abaisser quand il s’agit de séduire. C’est tout. Ce qui me mène à ma deuxième catégorie.
Les attentionwhores, celles qui ont cru que depuis qu’on avait le droit de s’habiller comme on voulait, les autres se désintéressaient. Et alors, quoi de mieux que leur infliger les pires tortures rétiniennes, la peau qui jaillit de toute part, la poitrine bombée et le dos cambré et Maître Corbeau sur ses talons perché tenait en son sac un auto-bronzant Leader Price. Ou encore la prostitution marketing, de celles qui affichent leurs labels sur tout le corps, pour qu’on puisse bien voir leur statut nettement supérieur à toute la plèbe. Voyez comme j’ai bien suivi la page 27 de Grazia, comme je suis une icône de la mode. Où est l’élégance dans tout ça ? Une once de personnalité je vous prie, vous êtes certes bien Jeune et Jolie mais dans ma bouche un arrière-goût de vomi.

Désillusions quotidiennes mises à part, mon admiration perdurera tant qu’il y aura des femmes pour la nourrir. Et Dieu merci j’en ai quelques unes en réserve.

Sur ce, je m’en retourne pleurer sur les mini-robes moulantes à paillettes asymétriques des multiples sections « Soldes » de l’internet.
Vous savez, l’élégance.

Un peu de douceur dans ce monde de brutes

Eugene Ormandy + orchestra

Je barbotais encore dans le ventre de ma mère lors de mon premier contact à la musique classique. J’ai toujours, toujours vécu avec. Du matin jusqu’au soir, du 1er au 31 du mois, ma mère variait les genre et nous faisait tout écouter. Des chants grégoriens à Gershwin, elle avait ses petits plaisirs personnels et ses « morceaux pour bosser », et j’ai toujours vécu dans cet environnement là. Puis inévitablement, j’ai atterri au Conservatoire municipal, et ma culture musicale classique n’a fait que s’accroître et gonfler au cours de ma quinzaine années d’études entre ces murs.

Je regrette aujourd’hui de voir que c’est un genre musical délaissé par les gens, en particulier ceux de mon âge, qui ont tendance à voir ça comme quelque chose à part, un truc de vieux, ou un truc joli qu’on met dans les films. Non les gars, c’est de la musique, autant que n’importe quel groupe pop en vogue. En tout cas j’écoute la musique classique de la même manière. Je peux me faire une trouvaille Deutsche Grammophon en boucle pendant 2 mois autant que ma soeur peut se faire une intégrale de Bob Dylan.

Et pourtant, quel puits émotionnel inépuisable que la musique classique. Il y en a pour tous les goûts, toutes les saveurs. Du joyeux, du triste, du scintillant, du mélancolique, enfantin, effrayant, extatique et j’en passe. Il y a ces morceaux qu’on connait tous, et il y a ceux qui renferment des souvenirs, d’autres qui systématiquement font traverser un frisson tout le long du corps. J’aime l’instrumentalité de la musique classique. A part dans l’opéra, il n’y a pas de voix, pas de paroles pour nous distraire de la formidable composition, de l’assemblage génial de tant de sons en harmonie. L’émotion sort de l’instrument et entre tout de suite en nous, et je trouve ça formidable.

Et j’aimerais que vous trouviez ça tout aussi formidable que moi. Comme ça nous pourrions tourner en rond dans un cercle d’amour infini en se faisant des câlins sur des concerti de Tchaikovsky. Ca vous tente ?

Si oui, j’ai (enfin) concocté cette playlist Youtube que beaucoup me demandaient. Elle reprend quasi exactement celle déjà publiée sur Spotify, avec de meilleures versions parfois, d’autres où le choix était plus restreint, des petites modifications, des rajouts etc. Je me suis par exemple beaucoup amusée à mettre en parallèle le Rondo de l’Abdelazar de Purcell avec sa reprise par Benjamin Britten, beaucoup plus connue. J’ai essayé d’éviter les morceaux les plus célèbres style la 5ème symphonie de Beethoven (de toute façon j’ai limité Beethov, Mozart et Bach, parce qu’on les entend décidément trop, ET CACHEZ CETTE LETTRE A ELISE QUE JE NE VOUDRAIS VOIR), même si certains morceaux des grands grands grands de la musique classique restent incontournables. J’ai gardé aussi certains morceaux entendus bien souvent dans les films/séries/pubs, mais dont le titre/compositeurs sont généralement totalement inconnus du grand public ; donc j’espère peut-être vous faire découvrir les vrais noms de la musique classique. Et puis quelques petits morceaux de mon propre répertoire, des trucs que j’ai adoré étudier ou jouer, des morceaux avec lesquels je partage des secrets. Voilà voilà.
Bonne écoute !

N’hésitez pas à poser des questions / proposer des suggestions / me donner votre avis.

10 ans d’écart

Jeune fougère fraîchement enracinée dans la vingtaine, j’aime me dire que j’ai des amis plus âgés – et donc plus mûrs.

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Rencontrés un peu partout, internet, amis d’amis, amis de copain et j’en passe, je les regroupe plus ou moins dans mon cercle des gens susceptibles de partager mon âge mental. Ce cercle d’adultes avec qui une conversation sérieuse ne dérive pas sur des références vaseuses aux mauvais films de mon enfance (les années 90). Ce cercle où une « soirée » ne veut pas dire finir nue dans le jardin du voisin avec la bouteille de tequila tarif épicerie du coin, mais discussion sympathique autour d’un bon vin et de quelques tranches de sauciflard.

J’ai toujours aspiré à ça.
Il m’est arrivé parfois de mépriser mon cercle de potes « déconne alcoolisée du samedi soir et Singstar Lady Gaga ». Pourtant, depuis que je ne fréquente que des « adultes », des vrais, je me perds. Les premières soirées vin rouge saucisson avaient cette odeur de réconfort, de maturité retrouvée. Non ma p’tite, ce soir tu n’vomiras pas sur le tapis du salon. Tu vas faire des blagues spirituelles et des références aux compil’ années 80 de ton papa.

Pourtant avec le temps… avec le temps va, tout s’en va, comme disait un vieux dépressif, et je goûte petit à petit au malaise de ce micro-gouffre générationnel creusé entre eux et moi. C’est pas une question de références, moi aussi j’peux remonter mon maillot blanc comme Sabrina dans la piscine. C’est l’expérience qui trinque, moi et mon CV qui compte quelques pauvres jobs d’été et des relations amoureuses plus hésitantes les unes que les autres. Eux, ils ont du vécu, ils ont vu des choses, voyagé, travaillé, aimé, détesté. Ils ont des problèmes de grands, se demandent déjà si leur job est vraiment fait pour eux, s’ils vont pas investir dans l’immobilier, acheter une nouvelle voiture, tout plaquer et changer de vie.

coworkersMoi, on me demande encore ma carte d’identité à l’entrée des bars, les voisins ont pas encore imprimé que le lycée c’est fini et me demandent tous les deux mois si j’ai des bonnes notes en philo. Non madame je fais des études maintenant vous savez le diplôme le chômage les fins de mois à découvert.
Et on m’invite le soir, et j’arrive – en retard – et ils sont tous en train de raconter leurs anecdotes d’open space, le manager pas cool, la collègue qui fout rien, les pots de départ. Je m’assois et j’écoute, je souris, et malgré mon intérêt j’ai rien à dire. Mes anecdotes de cours ? Mon job alimentaire ? Oui, peut-être vaut-il mieux se taire et attendre. Attendre d’avoir leur âge.

Et il m’arrive de regretter. Ouais, j’ai 21 ans, je suis encore une enfant irresponsable, du moins j’ai encore le droit de l’être. Il y a encore mille choses que je n’ai pas vues, ni goûtées, et j’ai encore envie de vivre un peu avant de m’asphyxier avec des questions existentielles sur ma carrière où la taille de mon appartement. J’ai envie d’arriver à une soirée avec une bouteille de whisky et pas une boîte de macarons, repérer d’emblée le spot où je vais m’étaler quand ma tête va commencer à tanguer… tanguer… et sombrer dans un dernier fou rire.

Rire ou grandir, il faut peut-être choisir.
Je ne le ferai pas.

Je continuerai à aller boire ce vin rouge que je déteste, en rigolant aux blagues d’open space. Parce que ces gens, je les aime bien finalement. Beaucoup même. L’inverse est peut-être vrai, sans doute, puisque que je suis toujours parmi eux. Ils me font grandir, un peu, parfois, m’apprennent des choses que je ne connais pas, préservent aussi mes samedis soirs de dénouements dramatiques. Ils ont cette façon d’être attentifs sans vraiment l’être et de me regarder comme l’une des leurs : une adulte.
Et je continuerai à aller à ces soirées, plus ponctuelles, où je me démonte la gueule à grands coups de cocktails improvisés, où je finis par hurler des chansons que je déteste, bras d’ssus bras d’ssous avec ces éternels compagnons de beuverie, qui me posent des questions pas très classes sur le dernier homme que j’ai vu tout nu, qui connaissent à mon grand dam toutes les répliques des Visiteurs, et qui savent me faire pleurer de rire même quand dans ma vie ça va pas fort.

Gardons-nous juste peut-être de mélanger les genres.

Femme des années 2010

Ceci n’est pas un article sur le féminisme. C’est bon, vous pouvez rester.

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On a toujours avancé que le rôle de la femme était de faire des enfants et maintenir la charpente du foyer. « On », ce sont les hommes, les femmes aussi, la majorité des gens, en fait. Certaines femmes ont beau se plaindre de cette étiquette et se battre pour en échapper, mais une bien plus écrasante majorité suit ce principe finalement autant social que biologique (dur de nier l’utilité d’un utérus). J’ai toujours beaucoup admiré ces femmes qui en font LEUR principe de vie, l’élément essentiel de leur existence. Ces mères porteuses qui enchaînent les grossesses par pur plaisir de donner la vie. Ces femmes qui redoublent d’ingéniosité et de courage pour maintenir les fondements d’un foyer, la charpente d’une famille. C’est preuve d’une grande qualité humaine, souvent ; car après tout, qu’est-ce que c’est, fonder une famille ? Le désir de multiplier, solidifier et perpétuer un lien d’amour et d’affection. Je trouve ça beau. C’est une ambition respectable.

Mais mon ambition n’est pas là. J’ai longtemps cherché ce qui me poussait à vivre, ce qui me motivait à rencontrer des gens, à m’améliorer en tant que personne. Je ne veux pas fonder une famille. Je ne cherche pas à atteindre les hautes sphères de tel ou tel travail, de telle ou telle société. Je n’ai pas vraiment envie de gloire et de célébrité, à vrai dire cette idée m’effraie un peu.

Mon objectif, ma grande ambition dans la vie, c’est d’être une Muse. Pas au sens antique, où je passerais mon temps à flotter dans les airs vêtue d’un drap avec des boucles de cheveux qui reflètent le soleil en chatouillant ma lyre selon la mélodie du vent. D’toute façon, j’aime pas le soleil.
Non, ce que je veux plus que tout, c’est être une inspiratrice. Insuffler chez une ou plusieurs personnes une volonté créatrice inépuisable et inébranlable. Sans être une icône de mode et de beauté, je veux simplement, par mes actes, mes paroles, et mon énergie, donner l’envie de créer quelque chose de beau, quelque chose d’intelligent, que ça me concerne directement ou non.

Touchant un peu à différentes formes d’expression artistique, je n’ai jamais rien tant aimé que les choses qui m’ont donné envie d’écrire, de dessiner, de peindre, de faire de la musique. Ces choses parfois simples, bêtes, mais d’une valeur unique. Je veux incarner ces choses, je veux entrer au cœur du processus créatif, devenir sa source. Parce que la création, c’est la vie.

Mégalo ? Peut-être, dans le fond. Mais ce ne sont pas les regards que je veux attirer. Dans l’ombre de l’artiste, je veux générer de la curiosité, un intérêt intellectuel, éventuellement de la reconnaissance. Je ne veux pas rayonner par moi-même, mais à travers les choses créées.

Et maintenant, écrivez-moi des symphonies.

Le Début de la Fin

Classy CorgiJe réitère l’expérience. Encore une fois.

Ce blog s’ouvre pour diverses raisons : plaisir d’écrire, donner un avis, susciter un intérêt quelconque pour des choses diverses et variées. Je ne cherche pas de direction à donner à ce blog, je veux juste ouvrir un espace public dans lequel je m’exprime quand j’en ai besoin. Ca peut être à travers un long texte, ou à travers un dessin, ou encore en quelques mots et un loltoshop dégueulasse. Je veux partager certaines des choses qui me plaisent, et ce sans contrainte de ligne éditoriale et autres obstacles à ma productivité aléatoire.

J’espère tout de même que ce petit coin de culture et de réflexion vous plaira. Vous inspirera. Vous fera rire. Vous agacera peut-être.
En tout cas, bonne visite.